La piraterie dans le monde et son évolution récente (1985-2012). Le cas de l’Afrique
Par François GUIZIOU et Daenis OTSA’A NGUEMA
L’Atlas Bleu / Prévenir
Piraterie maritime, évolution, caractéristique spatiale, golfe de Guinée, golfe d’Aden, Afrique
A travers carte et graphique, l’article précise d’abord le contexte géographique mondial de la piraterie maritime et son évolution récente constituée d’une activité recentrée géographiquement sur les « rives » africaines. Il examine ensuite plus finement la piraterie exercée sur les littoraux et mers bordières des zones africaines concernées (golfes de Guinée et d’Aden) en comparant leurs principales caractéristiques (cibles, ampleur géographique).
Piraterie dans le monde

La piraterie maritime est un phénomène très répandu géographiquement qui touche de nombreux littoraux et mers du monde. Elle semble menacer l’économie maritime par les attaques nombreuses contre l’industrie du transport maritime, les pêches et les plaisanciers. La majorité des actes de piraterie – attaque à main armée, détournement, enlèvement – se produit à proximité des littoraux. Cependant, si l’expansion spatiale des attaques se produit le long des côtes, par contagion, elle est également orientée dans certaines régions vers le large et l’océan. Le fait marquant du phénomène en ce début de XXIe siècle porte sur l’évolution et les mutations profondes qui ont fait basculer le centre de gravité de l’Asie (détroit de Malacca) aux régions africaines, le golfe de Guinée et surtout le golfe d’Aden.
L’ouest de l’océan Indien, nouveau centre de gravité de la piraterie à la fin des années 2010

Définition
Au-delà des insuffisances de définition de l’article 101 de la Convention de Montego Bay, le Bureau Maritime International (BMI) considère comme fait de piraterie « tout acte ou tentative d’abordage contre un navire avec l’intention de commettre un vol ou tout autre crime et avec l’intention ou la capacité d’utiliser la force ». Souvent qualifiée de trop large et imprécise, cette définition reste néanmoins la plus utilisée dans de nombreux rapports et études. Régulièrement avancé, le rapport entre piraterie et terrorisme semble fallacieux du fait des objectifs différents des deux activités. La piraterie détourne criminellement et ponctuellement les flux maritimes tandis que le terrorisme vise à les bloquer pour abîmer les économies qui en dépendent.
La piraterie en Afrique : une traduction spatiale spécifique à chaque « rive »

Afrique de l’Ouest : une piraterie côtière centrée sur le Nigéria, liée à l’extraction pétrolière

Afrique de l’Est : une piraterie déployée en haute mer, liée aux routes maritimes

Parler de piraterie africaine revient à comparer des pirateries différentes du fait de modes opératoires propres aux deux côtes de l’Afrique. La région de l’est, golfe d’Aden et océan Indien, est marquée par une piraterie de haute mer pratiquée par des hommes originaires de Somalie. À défaut d’être des marins de tradition, ces acteurs se sont rapidement accommodés à cette nouvelle activité de l’enlèvement de l’équipage et du détournement de navires. De l’autre côté, le golfe de Guinée connaît ces dernières années une recrudescence du phénomène avec le Nigéria comme épicentre. Avec des acteurs aux motifs flous – revendications politiques, environnementales -, les pirates du golfe de Guinée ciblent l’industrie pétrolière et les économies locales portuaires. Comme à l’Est, ils n’ont qu’une culture maritime limitée.
L’étalement spatial du phénomène de piraterie offre également deux visages différents. Dans le golfe de Guinée, la dynamique spatiale de l’agissement des acteurs est exclusivement littorale et agit par contamination le long des côtes. Dans le golfe d’Aden, les acteurs portent les attaques sur les lignes du commerce maritime mondial, exclusivement hauturières, parfois à plus de 2 000 km du littoral. Pour autant, l’observation de cette dualité sur le continent africain ne devrait pas faire perdre de vue que le phénomène de piraterie peut être aussi envisagé comme l’expression contemporaine de l’usage d’un espace ressource jusqu’ici ignoré. Au-delà du caractère de la menace pour l’homme et ses activités, la piraterie ne semblet-elle pas rappeler que l’espace maritime – du moins en haute mer – n’appartient à personne?
Laisser un commentaire