Exemples de baies à forte concentration d’activités pétrochimiques

Par Jacques Guillaume

L’Atlas Bleu / Exploiter

La baie de Tokyo

L’activité portuaire du Japon traduit l’organisation économique du pays autour de trois grandes baies (Tokyo, Nagoya et Kobé). L’importance de ces régions portuaires dépend donc de la densité des activités industrielles, depuis les usines les plus lourdes, installées sur des terre-pleins conquis sur la mer, en position d’interception de produits importés, jusqu’aux unités de transformation intermédiaires et aux zones de production manufacturière, plus éloignées des côtes. La baie de Tokyo est le complexe le plus important, sur une bande littorale de 125 km, chargée presque en continu d’usines et d’installations portuaires. Chiba en particulier est un port industriel majeur pour le raffinage pétrolier (en tonnage, c’est le deuxième port nippon) mais il est entouré d’autres organismes (Yokohama, Kawasaki, Tokyo, Kisarazu…) qui font qu’au total la baie voit passer chaque année plus d’un demi-milliard de tonnes de marchandises de toutes sortes, en provenance ou à destination du monde entier. La baie est l’ouverture naturelle de la région du Kanto, surchargée d’hommes et d’activités (35% environ de la population japonaise). Cette situation n’est pas sans danger : à la concentration exceptionnelle d’industries à risques, s’ajoutent les menaces d’occurrence d’aléas naturels (cette région, très vulnérable à l’égard des séismes, a été dévastée par un terrible tremblement de terre en 1923, faisant plus de 100 000 morts et près de 40 000 disparus).

La baie de Galveston (Houston)

L’une des particularités de la région de Houston-Texas City-Galveston est d’avoir été l’un des berceaux de la puissance pétrolière américaine, avec des hydrocarbures tirés du sous-sol et raffinés sur place. La raffinerie ExxonMobil de Baytown, implantée en 1919, reste d’ailleurs l’une des plus importantes des Etats-Unis et s’impose au milieu d’un dense parc industriel, essentiellement regroupé à Houston et Texas City. Si Texas City est toujours très dépendant de la filière énergétique, Houston est devenue une très grande métropole (l’aire métropolitaine concentre 6,3 millions d’hab. en 2013) et son port, qui a supplanté celui de Galveston depuis l’ouverture du Houston Ship Channel en 1914 (dont la profondeur est aujourd’hui de 45 pieds), est largement ouvert aux trafics conteneurisés (1,9 million d’EVP en 2013). Le trafic total de Houston dépasse les 200 millions de tonnes. Paradoxalement, le risque pétrolier n’a pas provoqué ici les plus grandes catastrophes, preuve que les menaces effectives ne viennent pas toujours des horizons attendus. En effet, Galveston a été partiellement détruit par un cyclone en 1900 et surtout, Texas City fut ravagé par l’explosion du cargo français Grandcamp en avril 1947, le navire étant venu y charger du nitrate d’ammonium, produit instable et dangereux. Cette énorme catastrophe (qui provoqua l’explosion en chaîne d’autres navires) fit près de 450 morts et 150 disparus (auxquels se sont ajoutés 5 000 blessés environ).

La baie de Rotterdam-Anvers

Les deux ports majeurs de la Northern Range concentrent des activités pétrolières de première grandeur. A Rotterdam, les zones industrialo-portuaires de Botlek et surtout d’Europoort ont grandi avec l’essor des importations de pétrole brut : cinq raffineries, ainsi que deux oléoducs vers l’Allemagne et le port d’Anvers assurent une bonne partie du trafic total du port néerlandais (près de la moitié des 440 millions de tonnes de 2013 correspondent à des vracs liquides). Un fort mouvement de produits raffinés (dans les deux sens), une activité intense de soutage, l’essor des biocarburants et des produits chimiques expliquent l’ampleur des volumes, dans lesquels le pétrole brut joue un rôle important mais assez stable. Anvers, moins concerné par le pétrole brut, malgré la présence de puissantes raffineries (ravitaillées depuis Rotterdam), joue la carte de la pétrochimie et du négoce des produits raffinés. Ses vapocraqueurs permettent, à partir des produits de base fournis par ses raffineries, d’élaborer des produits chimiques comme l’éthylène, le propylène, le benzène, réutilisés sur place dans le complexe industriel ou réexpédiés en Allemagne ou au Benelux. Malgré le poids indéniable de la chimie anversoise, le port reste une grande place de transit, tournée vers les marchandises diverses de son arrière-pays (les vracs liquides ne font pas le tiers de ses 191 millions de tonnes en 2013).

Jacques GUILLAUME, géographe, Chercheur associé à LETG-Nantes UMR 6554.

Jacques GUILLAUME, « Exemples de baies à forte concentration d’activités pétrochimiques », L’atlas Bleu, Revue cartographique des mers et des littoraux. Mis en ligne le 11 janvier 2020,

(version digitale adaptée d’après l’article paru dans L’Atlas Permanent de la Mer et du Littoral n°7 « Risques littoraux et maritimes ». Ed. LETG-Nantes, 2015. pp. 39-41)

URL : https://atlas-bleu.cnrs.fr/

DOI : 10.35109/atlasbleu-fr.10009