Les îles menacées de disparition
Par Jean-René VANNEY
L’Atlas Bleu / Habiter
Iles hauturières, monde, caractéristiques, risques de disparition, différenciation
Quels sont les facteurs de risque de disparition des îles et archipels de l’océan mondial et comment les classer des plus aux moins menacées ? Cet article, fondé sur une analyse géographique des îles océaniques publiée dans l’Annuaire du Droit de la Mer présente une version synthétique des caractéristiques, des facteurs de différenciation et des risques de disparition à plus ou moins long terme des systèmes insulaires hauturiers.
Les îles sont êtres mortels à l’échelle du temps géologique ; à celle du temps humain, certaines le sont davantage que d’autres. La carte ci-dessus montre la répartition minimale des seuls espaces insulaires hauturiers ou océaniques, c’est-à-dire éloignés des côtes fluviales et deltaïques, et pour lesquels on dispose de suffisamment de témoignages humains, hydrographiques et satellitaires.
Les cas retenus, exclusivement situés dans les mers chaudes, montrent une répartition et une gravité très diverses. Dans l’océan Atlantique, aucune menace sauf Aves (1, voir photo 1 ). Dans l’océan Indien, seules trois chaînes d’atolls résiduels sont en situation menaçante (2, 3, 4). En 2, l’atoll Bassas da India n’est plus visible qu’à basse mer. Le cas 3 (Maldives) est problématique et inquiétant (recherche de futures îles-refuges). Les arcs insulaires du Pacifique sont les plus menacés de submersion totale ou partielle avant la fin du siècle. La disparition est accomplie en 5 (voir photo 2), problématique en 6, partielle en 7 (atoll Tarawa), programmée en 8 (grande victime : l’atoll Funafuti), amorcée en 9 (2007, début de l’évacuation de Kilinailau vers l’île de Bougainville). La tragique situation des Tuvalu a valeur d’exemple : leur submersion, temporaire ou définitive, s’accomplirait avant 2050. Il n’existe aucune parade à ce qui risque d’être accéléré par le rehaussement du niveau océanique moyen.
Rien n’égale la complexité, la pluralité et la diversité des phénomènes intégrés dans la chaîne des mécanismes et processus qui tarissent l’avenir des îles jusqu’à les rayer de la surface des mers. La coupe ci-dessus les regroupe, les étage et les classe dans le cas des complexes insulaires du grand large océanique.
Un diagnostic sur la longévité insulaire doit tenir compte :
- Du soubassement géophysique dont l’anatomie la plus propice est offerte par le squelette des anciennes chaînes volcaniques nivelées, déplacées par la plaque porteuse, affaissées, fragilisées (altération géochimique). Son flux géothermique résiduel peut intervenir dans la recirculation des fluides supérieurs ;
- De l’entablement géologique dont la résilience varie selon l’épaisseur, la compaction, la dolomitisation et le compartimentage (fracturation) du bâti récifal ;
- De l’environnement océanique, fluide (circulation dissolvante de l’eau froide abyssale dans la masse récifale par percolation ou résurgence karstique) et vivant (vitalité ou faiblesse des récifs selon leur exposition à l’énergie des forçages marins ou à la production primaire « tueuse de récifs »).
On doit leur intégrer de plus en plus les destructions opérées par les processus anthropiques (ex. destruction des récifs, séismicité thermonucléaire, relèvement thermique et altimétrique de la surface océanique, etc.).
La disparition d’une île n’est pas l’œuvre d’un complot ourdi par le sol qui succombe et la mer qui monte. C’est le résultat complexe et imprévisible de la ligue intégrée de tous les facteurs précédents. La mort d’une île est celle de tout un monde.
Île d’Okinotorijima (Japon), vue depuis le nord-ouest
Trois rochers circulaires bétonnés (0,60-1 m, 8 500 m2) : chicots résiduels d’un atoll solitaire submergé (Pacifique). Essai de survie superficielle par implantation de coraux thermorésistants et d’organismes arénogènes.
Île de Aves (Venezuela), vue depuis le nord
Île naine (650 m), basse (dunes 2-3 m) de la mer des Antilles, en voie de réduction lente par subsidence (0,50 m/siècle) et destruction récifale. Protection par enrochement et réensablement. Habitat technicien
Laisser un commentaire