Pêche professionnelle et risque accidentel : l’exemple du détroit du Pas-de-Calais, espace à hauts risques
Par Brice TROUILLET
L’Atlas Bleu / Exploiter
Pêche maritime, partition spatiale, risque, accident, détroit du Pas-de-Calais.
A l’échelle mondiale, le détroit du Pas-de-Calais est un espace de forte concentration d’activités maritimes (trafic maritime de biens et de passagers notamment). L’article examine la place de l’activité de pêche professionnelle et sa dynamique spatiale en termes de difficultés d’exercice et de risques encourus par les pêcheurs face à ces contraintes et pressions territoriales.
La pêche est l’une des activités les plus dangereuses au monde avec le chiffre à peine croyable de 24 000 accidents mortels estimés par an (Petursdottir et al., 2004). Il n’est donc pas surprenant de constater que les évènements de mer impliquant la pêche sont les plus fréquents : environ 60 % du total en France. Ceux-ci sont liés à de multiples facteurs, souvent combinés, dus à l’âpreté des conditions de travail en mer qui soumettent à rude épreuve les hommes comme le matériel : d’abord des facteurs humains (erreurs, fatigue…), ensuite techniques (état du navire, apparaux de pêche…) et enfin externes (conditions climatiques ou météorologiques, état de la mer, croches…). Ce constat est aussi révélateur de pressions concurrentielles conduisant les pêcheurs à prendre plus de risques, a fortiori lorsque les entreprises de pêche sont fragilisées (contexte politico-économique, état des ressources…).
Le détroit du Pas-de-Calais est emblématique des risques accidentels encourus par cette activité et révèle aussi les tendances lourdes d’évolution du système pêche, aussi bien internes en raison de la réduction des flottilles ou de la modification des pratiques, qu’externes du fait du partage croissant de l’espace avec d’autres usages ou fonctions : câbles sous-marins (le premier au monde a été posé entre les caps Gris-Nez et Southerland en 1850), DST (1967), zones d’extraction de granulats (forte demande depuis les années 2000), AMP (années 2000), EMR (années 2010)… Ce détroit d’environ 30 km au point le plus le plus étroit est considéré comme dangereux en raison de la présence de nombreux facteurs externes qui accentuent le risque de barre (nombreuses croches, présence de bancs de sable, forts courants, visibilité souvent réduite…) dans un secteur de forte concentration des flux internationaux (400 navires/jour) et traversiers (90 navires/jour) (Herbert, 2013).
Dans cet espace de travail quotidien pour une flottille majoritairement côtière d’environ 600 navires de pêche français, anglais, belges ou néerlandais, la multiplication des usages et fonctions ces dernières années peut produire plusieurs effets. La contraction progressive des espaces de pêche (voir schéma, type 2), liée aux restrictions d’accès voire à son exclusion totale ou partielle, peut occasionner un report de l’effort de pêche, au moins en partie, sur des zones où le risque est déjà fort (type 1) et peut accentuer le risque dans les espaces restants a priori disponibles pour la pêche (type 3). Par exemple, certains types de pêche (ex. chalutage) peuvent être exclus à terme des parcs éoliens ou encore des AMP et ainsi reporter leur effort ailleurs. Ce mécanisme encore mal informé doit être mieux apprécié afin de réduire le risque accidentel et de développer une planification stratégique de l’espace maritime.