Sensibilité des plages du littoral ivoirien à l’érosion
Par Célestin HAUHOUOT, Philibert KOFFI, Patrick POTTIER
L’Atlas Bleu / Habiter
Côte-d’Ivoire, érosion littorale, bâti détruit, précarité des populations, secteur Grand-Lahou à Assinie
Après la mise en évidence des principales caractéristiques physiques du littoral ivoirien à l’échelle du pays et proposé une typologie de la sensibilité de ses littoraux à l’érosion, l’article examine la problématique du recul des côtes du point de vue de la vulnérabilité des lieux habités. Plusieurs exemples locaux sont étudiés, montrant l’ampleur des dégâts et la précarité grandissante des populations locales sur certains secteurs.


Sectorisation et aléas
L’érosion menace les plages ivoiriennes qui présentent des sensibilités spatiales et temporelles variables. A Grand-Lahou et Abidjan, sont enregistrés des taux de recul de 1 à 2 m/an sur les 30 dernières années. En général, la houle y est faible de novembre à janvier et forte en mai-juin, saison où l’énergie des vagues est potentiellement très importante et qui coïncide avec la saison des pluies sur le littoral.
Causes de l’érosion
La fin de la dernière remontée du niveau marin a réduit les apports massifs de sédiments aux plages en provenance du plateau continental. La conjoncture actuelle est donc marquée par des apports limités aux produits directs de l’érosion continentale et marine, entraînant un déficit en sédiments qui fragilise les plages. L’érosion des plages est souvent la conséquence de plusieurs causes. A Port-Bouët, elle est exacerbée par l’interruption de la dérive littorale en amont par les ouvrages de protection du canal de Vridi. S’y ajoutent, juste devant, les effets d’un canyon sous-marin (Trou-Sans-Fond, isobathe 100 m à 650 mètres de la plage) qui piège une partie des sédiments renvoyés vers le large par les courants transversaux, le glissement de sédiments accumulés en tête du canyon ayant entraîné à 4 reprises entre 1905 et 1959 une partie de la plage (Tastet et al., 1985). Enfin, en situation de tempête, la plage sous l’assaut des vagues peut également reculer brusquement d’une dizaine de mètres (3 à 6, voire 10 m selon les endroits, avec des événements répétés).
Vulnérabilité croissante au risque d’érosion des plages
Ces dernières décennies ont été marquées par un flux migratoire des populations vers la côte, provoquant un développement urbain important et rapide, 30% de la population ivoirienne est aujourd’hui installée sur la côte (Anoh et Pottier, 2008). L’occupation de l’espace littoral n’a pas toujours tenu compte de la fragilité des milieux et des risques associés. Au fil des années, les investissements économiques massifs (ports, zones industrielles,…) et la densification de l’habitat ont accru la vulnérabilité au risque d’érosion. Cette vulnérabilité a été révélée à la mémoire collective par les crises érosives de ces dernières années : 1984, 1986, 2007 et 2011.
Les pauvres sont plus vulnérables et le secteur touristique durement touché…
En août 2007 à Port-Bouët, une trentaine de maisons a été détruite faisant une centaine de sinistrés et plusieurs millions de dégâts matériels. Les personnes frappées sont pour la plupart en situation de grave précarité et ont tout perdu dans la destruction de leur maison. En août 2011, les houles ont entraîné à la mer une partie des infrastructures routières et touristiques de Grand-Bassam et Assinie. L’impact à Grand-Bassam se chiffrerait à 250 millions de francs CFA (380 000 €) de dommages directs et une perte d’exploitation de 150 millions de francs (230 000 €), menaçant plus de 2 000 emplois. Dans les deux cas, l’ampleur des dégâts s’explique par une occupation dense et incontrôlée du haut et de l’arrière plage.
Changements climatiques et élévation du niveau marin
Les estimations d’élévation émises par le GIEC (AR5) font état d’une hausse du niveau de la mer probable de 0,52 à 0,98 m avant 2100. Combinée aux effets des tempêtes et fortes houles, cette élévation est de nature à accroître encore les risques côtiers en Côte d’Ivoire, notamment en matière d’érosion.
Destruction partielle d’un quartier précaire de Port-Bouët par les fortes houles. (Cl. C. Hauhouot)
Dans la nuit du 13 au 14 août 2007, le littoral ivorien a été submergé par une marée de tempête aux effets dévastateurs.
Destruction du complexe touristique Valtur d’Assinie. (Cl. K. Ph. Koffi)
L’impact des houles de tempête des 25 et 26 août 2011 a été rapide et important : fort démaigrissement et recul sensible de la plage (3 à 6 m) ayant provoqué la destruction d’habitations et d’infrastructures côtières.
La flèche de Grand-Lahou évolue dans un secteur déficitaire en sable. Ce déficit est compensé par une érosion des cordons sableux car les apports actuels des fleuves sont négligeables. Mais l’érosion est aggravée par une migration latérale (est-ouest) de la passe de la lagune Tagba dans laquelle se jette le fleuve Bandama. Ce dernier facteur, bien que moins brutal, est le plus incisif. Il est perçu par la population comme le risque majeur encouru par le village. En effet, la migration latérale de la passe est génératrice d’érosion à effet destructeur. Elle a entraîné depuis 1993 une destruction du cordon littoral sur 765 m. Les pertes sont énormes ; le bâti, expression de la prospérité de la ville historique au XIXe siècle, a été littéralement détruit. Les rares équipements existants disparaissent les uns après les autres dans les eaux ; c’est le cas du phare et de l’auberge de Cap-Lahou, d’où les touristes admiraient le spectacle offert par le mélange des eaux à l’embouchure.
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